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Sofiane Zermani, du rap      à Gatsby le magnifique

L'annonce de sa participation au Festival d'Avignon 2018 avait eu l'effet d'une bombe. Le rappeur de la Seine-Saint-Denis, Sofiane Zermani, plus connu sous le nom de Fianso, a joué le rôle de Gatsby. La pièce, jouée dans la cour du musée Calvet, a été créée par France culture. Novice au théâtre, le rappeur aux trois albums disques de platine, côtoie sur scène Pascal Rénéric, ainsi que Rebecca Marder, nouvelle pépite de la Comédie-Française.

Au sortir de la deuxième représentation du "Magnifique", il est revenu sur sa première expérience au théâtre. Après avoir adopté Gatsby, il souhaite continuer son exploration de la comédie.

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Fianso, bravo pour ta performance. Comment as-tu vécu ces deux jours en tant que comédien ?
J’ai kiffé, c’était une aventure de fou. Je suis honoré d’avoir été sollicité par le réalisateur, Alexandre Plank, pour ce rôle. C’était ma première expérience au théâtre et je tenais à être au top pour l’équipe et les spectateurs. Tout le monde a été formidable avec moi, nous sommes devenus une petite famille.

Tu es novice au théâtre et pourtant te voilà dans le rôle principal d’une pièce prestigieuse, «Le Magnifique». Comment es-tu arrivé dans ce projet ?
Issam Krimi, un de mes très bons amis, était responsable de la musique pour la pièce. Il m’a proposé au réalisateur pour le rôle et j’ai accepté. J’aime beaucoup le théâtre et le prestige du festival d’Avignon imposait que je dise oui.

Un rappeur pour interpréter Gatsby, sur le papier ça a de quoi surprendre...
C’est vrai, moi-même j’y ai songé ! Ceci dit le rap est très populaire en France de nos jours. Et visiblement, certaines grandes institutions comme Radio France ont pris le parti de le reconnaître. Aujourd’hui on accepte le fait que, grâce à la popularité d’un rappeur, on peut créer l’engouement autour d’un projet, même si le genre est radicalement différent. Alexandre Plank et Issam Krimi voulaient casser des codes avec ce spectacle.

C’est-à-dire ?
Une majorité du public d’Avignon est très exigeante, c’est compréhensible au vu de la tradition théâtre ici. Cependant le festival a encore un caractère populaire, la preuve avec cette pièce dont l’entrée était gratuite. Là nous avons mélangé mon public de Fianso qui venait découvrir un rappeur au théâtre avec un public plus classique qui aurait pu être réfractaire à voir un rappeur jouer Gatsby.

 

Tu as accepté le rôle à peine deux mois avant le festival. Comment as-tu réussi à t’adapter ?
Tout est allé très vite car nous avons fait trois répétitions sur Paris, puis trois quand nous sommes arrivés sur Avignon, une semaine avant la première. Avoir si peu de répétitions pour une pièce entière me faisait douter. Mais mes partenaires m’ont rassuré, notamment Pascal Rénéric (qui interprète Nick) : il a pris du temps supplémentaire pour me faire répéter. Et le réalisateur nous a tous consultés pour avoir notre vision de la pièce. Au final c’est notre bébé commun. 

La présence de Rebecca Marder, actrice de la Comédie-Française, a été un atout pour ton jeu ?
Bien sûr, j’étais preneur de tous les conseils et critiques. Comme Pascal, Rebecca m’a coaché sur scène. Jouer avec de tels acteurs, c’est avoir Zidane et Messi dans une équipe de foot.

Cette deuxième représentation était diffusée en direct à la radio et en vidéo sur internet. C’était une pression  supplémentaire ?
Forcément je l’ai pris en compte oui. Cependant le rapport au public est tellement intime au théâtre que je l’ai vite oublié une fois sur scène. J’ai mesuré à quel point l’ambiance est à l’opposé d’un concert de rap : c’est silencieux, on entendait les grillons puisque la scène était en extérieur... Tout ça crée une bulle.

Justement, ta musique est très dynamique. Par moments, on sentait ton envie de te lâcher comme dans un concert...
Ça a été le plus gros travail dès le départ en effet car j’ai tout le temps la bougeotte. Le réalisateur s’est battu pour que je canalise cette énergie en m’inculquant des codes scéniques que je n’avais pas : le fait d’avoir des répliques bien ancrées, une mise en scène précise... C’était dur, sur une scène de concert je chante, crie, saute, danse et improvise à l’instinct. Le fait d’apprendre mon texte par cœur a été, je pense, l’élément qui m’a permis de contrôler.

Pourtant tu n’étais pas obligé d’apprendre par cœur ton texte...
La pièce étant diffusée à la radio, nous pouvions avoir le texte avec nous sur scène. Cependant je tenais à jouer sans. Déjà parce que c’était ma première au théâtre, il fallait donc la vivre pleinement. Et puis travailler des heures sur mes répliques était un moyen de me rapprocher au plus près de Gatsby.

Tu parles de Gatsby comme d’un proche. Tu t’es retrouvé en lui ?
Dans beaucoup d’aspects oui, comme son entêtement, sa concentration. Il est prêt à tout pour atteindre son objectif, même s’il doit chambouler sa vie et celle des autres, c’est là que je me retrouve le plus. Et puis Gatsby tente de cacher la part d’ombre en lui, ça se sent dans la pièce. Mais cet aspect de sa personnalité le rattrape parfois. Je l’ai considéré comme un alter-ego. Grâce à ça, j’ai pu créer des points communs avec mon personnage.

Gatsby a été interprété par de grands acteurs comme DiCaprio. Tu t’es inspiré d’eux ?
Non, je n’ai pas revu les prestations de DiCaprio ou Redford pour ne pas reprendre leurs mimiques, ne pas me faire polluer. Ici nous sommes au théâtre, pas dans un blockbuster hollywoodien. Jouer à Avignon demande une certaine crédibilité, le cadre est vraiment impressionnant, voir intimidant. On ne peut avoir la même vision du rôle quand on joue dans un studio d’enregistrement.

En parlant de l’ambiance d’Avignon, as-tu pu profiter du festival ?
J’ai eu peu de temps à cause des répétitions, mais dès que je pouvais j’allais marcher dans les rues. Je me suis rendu compte de la grande machine qu’est Avignon. Mis à part son titre de plus grand festival de théâtre au monde, je n’en savais pas grand-chose. Voir toutes ces affiches, les troupes parader en continu, le monde, c’est époustouflant. L’ambiance est superbe ici.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Venir ici était aussi l’occasion de rencontrer ton public avignonnais.
Bien sûr, une partie des spectateurs était des fans de ma musique. Notamment des jeunes de banlieue dont j’ai appris avant le spectacle que des associations avaient organisé leur venue. Je trouve ça formidable car la plupart d’entre eux n’étaient jamais allés au théâtre, soit parce qu’ils n’avaient pas accès à cette culture ou par non-intérêt. Leur présence était un moment fort.

Ils t’ont d’ailleurs submergé à la fin de la pièce pour les photos et autographes. Ça a dû te faire chaud au cœur...
Ce que j’aime par-dessus tout c’est leur enthousiasme. Eux, comme moi, ne connaissaient pas bien les codes du théâtre, mais ils ont été très respectueux pendant la pièce. Et dès que nous sommes descendus de scène, leur dynamisme a repris le dessus. Ils aiment chambrer un peu, tout en ayant été très indulgents avec moi pour cette première au théâtre. Tout comme les initiés qui m’ont  témoigné avoir été heureux de me découvrir dans ce rôle.

On te reverra au théâtre à l’avenir ?
Pour l’instant je vais continuer d’explorer le cinéma et ensuite me concentrer sur la musique. Cette expérience pour «Le magnifique» a été une belle découverte, je suis encore plus curieux de théâtre maintenant. Donc oui, il est possible que je revienne sur les planches un jour. Et si possible celles d’Avignon !

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"Comme Pascal Rénéric, Rebecca Marder m'a coaché sur scène. Jouer avec de tels acteurs, c'est avoir Zidane et Messi dans une équipe de foot"

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"Je trouve formidable que des jeunes de banlieue soient venus. La plupart d'entre eux n'étaient jamais allés au théâtre. Soit parce qu'ils n'avaient pas accès à cette culture, ou par non-intérêt"

"Le Magnifique", représentation intégrale du 16/07/2018 dans la cour du musée Calvet, Avignon

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