
La parade, moment privilégié pour se faire remarquer
Chaque année elle inaugure l'édition du festival OFF. La parade des troupes a rassemblé ce jeudi 5 juillet 300 compagnies. Pour ces dernières, le moment est privilégié pour se faire repérer et adopter du public. Un défi d'autant plus grand pour les nouveaux venus dans la cité des papes.

"Oh tu as vu leurs tenues médiévales, elles sont superbes". "Et eux, ils ont une voix si puissante, leur spectacle musical doit être prenant". "Regardez les acrobates, ils se tiennent en l'air". Lors de la parade d'ouverture du OFF, tout est bon pour attirer les regards. Costumes de scène, accessoires, démonstrations et même des éléments de décors : les artistes étalent au maximum leur panoplie. Car outre le fait de profiter du rassemblement populaire, l'objectif est de se démarquer des autres. Une tâche d'autant plus importante pour les nouveaux venus du OFF.
Depuis la foule – plusieurs milliers de spectateurs étaient présents tout au long du parcours – les commentaires élogieux, ébahis, ou dubitatifs, fusent à tout va. Loin de l'ambiance souvent paisible des salles, la parade est un moment de grand charivari où faire le plus de bruit possible est vivement recommandé.
"On nous a recommandé d'être placés en tête"
A 20 heures tapantes, place Pie, la fanfare Taram Goulamas ouvre le cortège au son de sa musique tzigane venue des Balkans. Derrière eux, le grand show des compagnies peut commencer. Dans les premiers rangs du défilé, la troupe "Chansons en barre" prend le moment très au sérieux pour sa première au festival d'Avignon : "Nous sommes arrivés une heure avant le départ afin d'être bien placés. Le directeur du théâtre du Cabestan, où nous jouons, nous a recommandé d'être placés en tête car les spectateurs s'en vont petit à petit sans forcément avoir le temps de voir passer tout le monde". Arrivés de Paris deux jours plus tôt, les six comédiens-musiciens interprètent plusieurs chansons de leur spectacle "Le cabaret du poilu", n'hésitant pas faire quelques écarts pour se mêler à la foule : "On arrive sur le OFF la fleur au fusil".
Plus loin, trois comédiens se livrent à un combat épées tirées, arbitrés par la quatrième artiste de l'équipe. Malgré le grotesque des mini-dialogues, les spectateurs retiennent leur souffle devant le jeu des membres de Décal'Comédies, venus revisiter "Les trois mousquetaires" : "Quand le défilé s'arrête par moments, on en profite pour faire ces saynètes. Il faut marquer les gens. Et quand ça avance à nouveau devant nous, on reprend affiches et tracts pour la distribution", indique Philippe Colo, un des comédiens. Flyers à la main, un de ses partenaires tente, de toute sa voix, une approche commerciale originale : "Aujourd'hui offre spéciale ! Une place achetée, la deuxième payante".
Etre vu dans la masse
300 compagnies, soit plus de 2500 artistes sur les 4700 programmés au OFF 2018. Jamais la parade n'avait connu une telle affluence. D'après Alice, bénévole depuis 2015 d'Avignon festival et compagnies, l'organisme en charge du OFF, "deux fois plus de troupes sont présentes par rapport à la parade de 2017".
Avec de tels chiffres, la concurrence est accrue pour se distinguer aux yeux du public. Surtout quand les artistes chevronnés du rendez-vous avignonnais se mettent en scène, à l'image de Jovany. Figure incontournable du OFF depuis cinq ans, l'humoriste est toujours guetté par les habitués du festival. Pour la parade, il a fait démonstration de ses tours de magie au volant d'une voiture ouverte. Une entrée tape à l’œil : "Je voulais me faire plaisir cette année", justifie-t-il. L'artiste, programmé au Vox pour le festival, n'en demeure pas moins solidaire de ses jeunes homologues comédiens : "Je me souviens de ma première parade, plusieurs comédiens m'avaient expliqué comment elle se déroule, son importance, et m'avaient donné deux-trois tuyaux car j'étais stressé. Depuis je fais la même chose avec les nouveaux du festival car si tout le monde est au top pour la parade, l'engouement du public n'en sera que plus grand et profitera à toutes les troupes".
Difficulté supplémentaire pour cette édition 2018, le parcours emprunte des rues étroites, parfois tortueuses, de l'intramuros. Une contrainte pour les artistes de la compagnie "l'Eternel été" : "Nous avions prévu une mini scène sur roues pour jouer et avoir de la hauteur lors de la parade. Mais elle s'est avérée trop large pour certains passages", regrettent-ils.
"La parade est comme une première représentation pour les artistes"
Témoin privilégié du festival d'Avignon, Steve a couvert à quatre reprises le OFF en tant que critique culturel pour le quotidien "La Provence". Venu en simple spectateur, il souligne lui aussi les enjeux de la parade pour les nouvelles compagnies : "C'est le premier contact entre les troupes et le public. Si une bonne impression peut éventuellement pousser les gens à aller au spectacle, une mauvaise les braquera à coup sûr. Le faux-pas est donc interdit, rappelle-t-il. De plus, il y a une grande diversité de genres et d'artistes, une démarche peut vite être perçue comme originale. Les troupes doivent rivaliser d'inventivité pour intéresser sans pour autant trop dévoiler leur spectacle".
"Pendant le festival, beaucoup de visiteurs trouvent trop agressif le fait que les compagnies tractent en continu la journée. Là c'est le moment où les spectateurs acceptent tout du fait de l'étalage de folklore. C'est pourquoi tout le monde se lâche. Et il ne faut pas oublier que plusieurs théâtres envoient des membres de leur équipes pour des repérages en vue des futures programmation", insiste Steve.
Parmi ces théâtres, on retrouve la Salle Tomasi, un espace spécialisé dans les jeunes pousses du OFF : la moitié des spectacles joués là-bas sont l'oeuvre de compagnies nouvelles au festival. La direction artistique de la structure a confié avoir "envoyé deux personnes pour superviser la parade". Jeunes troupes, vous êtes surveillées !
Diaporama : Ils ont animé la parade



