

La guerre des affiches
"Pendant les trois semaines de festival, l'une des choses les plus rares et prisées dans Avignon, c'est la place pour exposer une affiche. Chaque mètre carré a la valeur d'un kilo d'or. C'est un enjeu colossal pour les compagnies, d'autant plus pour celles qui sont méconnues, voire inconnues !" Alex, grand amateur de théâtre, habite dans l'intramuros avignonnais depuis quatorze ans. Habitué à côtoyer les artistes se produisant au "Chien qui fume" et aux "Corps saints", deux lieux friands de créations, il a un regard averti sur le OFF. Les affiches, ça le passionne, pour le jeu auquel se livrent les compagnies.
Fascinantes pour beaucoup, exaspérantes pour les autres, les affiches sont indissociables du OFF. Telle des nuées de sauterelles, comédiens et employés ponctuels des théâtres se répandent dans la ville pour accrocher les cartons aux endroits les plus improbables. Et font la chasse au moindre petit emplacement laissé libre. Florilège des endroits prisés et conditions extrêmes pour l'affichage.
"Dans la bonne humeur sans pour autant se faire piquer son spot"
Comédien au sein de la "Compagnie 13", Axel Granberger participe avec ses camarades à son premier festival, où il incarne Roberto Zucco.
"Les troupes pouvaient lancer l'affichage le 4 juillet à partir de 11h. Et croyez-moi il fallait être d'attaque et attentif pour avoir de la place. En priorité, l'idée c'était d'afficher autour du théâtre où l'on joue. On se retrouvait vite à convoiter un même emplacement, il fallait faire quelques compromis.
Parfois on se retrouvait à côté de gens chouettes avec qui tu pouvais avoir un mot sympa, ou même te faire dépanner de la ficelle. C'est toujours plus sympa dans la bonne humeur, sans pour autant se faire piquer son spot, ce qu'un type a essayé de faire quand j'avais le dos tourné pendant 20 secondes."

Rue de la République, lieu d'affichage le plus prisé de l'intramuros
Rue de la République, lieu d'affichage le plus prisé de l'intramuros
"Même si tu joues à l'autre bout d'Avignon, avoir des affiches rue de la République est indispensable car c'est la plus touristique de la ville. Des milliers de personnes y passent chaque jour, souligne Sophie, membre du "Collectif Louves". Pour trouver une place, il faut être un lève-tôt : les employés municipaux enlèvent, à l'aube, les affiches qu'ils jugent encombrantes pour les commerçants. Depuis que j'ai vu des gens en remettre à peine trois minutes plus tard pile aux mêmes endroits, je me dit qu'il ne faut pas avoir froid aux yeux, du coup nous nous relayons avec mes amis pour profiter de cette fenêtre de tir."

Braver "l'interdit" en affichant avant le jour J, heure H
Braver "l'interdit" en affichant avant le jour J, heure H

Officiellement, l'affichage dans les rues était autorisé, cette année, à partir de 11h le 4 juillet, veille de l'ouverture du OFF. Chaque année, certains ne résistent pas à la tentation et commencent dès la veille en pleine nuit pour s'approprier une place bien visible. Sur cette photo, prise aux alentours de minuit dans la nuit du 3 au 4 juillet, une compagnie ne souhaitant pas être cité ni reconnaissable, ouvre les hostilités. "C'est l'insouciance d'une première fois en Avignon", sourient-ils.
Pour rappel, un affichage abusif peut théoriquement être sanctionné d'une amende par la municipalité.
L'île de la Barthelasse, une porte d'entrée de la cité des papes
Loin du champ de bataille de l'intramuros, l'affichage continue. A la sortie ouest d'Avignon, l'île de la Barthelasse est un des points de passage pour les piétons et automobilistes. Et à l'image d'artistes expérimentés comme Gil Alma ou Jovany, dont les équipes sont missionnées hors les remparts, les compagnies n'hésitent pas à franchir le pas : "Un endroit comme la Barthelasse est aéré, on n'étouffe pas comme dans le centre. Et il n'y a pas la même cascade d'affiches, celles que nous y installons sont donc bien visibles", relèvent deux acteur de la troupe italienne "I nuovi Scalzi".
